Alors que beaucoup d’articles s’interrogent sur les meilleures pratiques à adopter pour la construction de sa road map pédagogique digitale, gestes et postures à adopter devant son écran pour les enseignants, susciter de l’engagement et la motivation… Beaucoup moins s’intéressent au ressenti des étudiants face à cette nouvelle pédagogie.
L’idée première est de penser que les générations X et Y y sont forcément favorables, car elles ont baigné depuis toujours dans ce flot digital. Ceci n’est vrai qu’en partie. Les étudiants sont certes des digitals natives, mais pas des digitals masters ! Ils ne maîtrisent pas nécessairement les outils et l’organisation lorsqu’il s’agit d’un contexte professionnel.
Plusieurs études et articles ont été recoupés ici, j’en donnerai les sources au bas de l’article.
Avant toute chose, rafraichissons un peu notre mémoire :
Le mode passif, qui consiste à recevoir une information par plusieurs biais.
Le mode actif, où on applique cette information dans la vie courante, de façon concrète.
L’attention, ou notre capacité à rester concentré un laps de temps plus ou moins long.
L’engagement, c’est à dire être actif dans le processus d’apprentissage.
Le feedback, ou le fait d’être corrigé lorsque l’on fait des erreurs, et de pouvoir recommencer avec succès la fois d’après.
La consolidation, soit le fait de réutiliser les nouvelles compétences sur le terrain de façon inconsciente.
Si nous analysons ces informations, les 3 derniers facteurs pourraient faire partie du mode d’apprentissage actif d’Edgar Dale.
La plupart du temps, nous retrouvons ce schéma dans les parcours de formation à distance des établissements. En effet, le formateur qui ne fait que commenter un powerpoint ou un fichier PDF durant sa vidéo ne suffit pas à engager un étudiant. La pédagogie descendante exclusive n’est pas perçue d’un bon oeil de la part de l’apprenant. Il se retrouve seul face à son ordinateur et les connaissances données, avec pour seul fil conducteur d’acquérir une compétence nouvelle. Cela ne l’engage pas dans son parcours.
Pour cela, nous vous conseillons l’apprentissage collaboratif ou des activités en ligne, telles que des mini-jeux, quiz, sondages…
Naturellement, lorsqu’une connaissance est complexe à assimiler, l’étudiant aura plus de facilité à décrocher. Fuir devant l’obstacle est naturel chez l’homme. Le formateur n’y pourra rien, et même avec le meilleur cours de l’année que cela n’y changerait rien. A distance, ce problème est d’autant plus difficile à gérer car le professeur ne peut pas ‘sentir’ sa détresse et l’accompagner comme lorsqu’il est en présentiel. De plus, selon l’expérience de Marcel Lebrun à l’université de Louvain, toutes les disciplines ne sont pas égales devant l’eLearning.
Il est très important d’évaluer les étudiants régulièrement et ce, dès le début du programme. De cette manière, l’enseignant peut distinguer les élèves en difficulté pour mieux les accompagner.
Les étudiants ont besoin d’une extrême visibilité afin de borner leur parcours. Ils attendent dès le départ un parcours ciblé, présenté en « prémâché » par l’enseignant. Ils veulent sentir qu’il y a quelqu’un pour répondre à toutes leurs questions, dans toutes les situations. sans anticiper cependant des besoins très précis. Ces besoins cependant, comme il a été souligné par une université canadienne, seront autant de l’ordre cognitif qu’administratif.
Il faut mettre à disposition des étudiants dès le début, un syllabus complet du cours. Les chapitres et titres doivent être clairs et structurés. Bien sur, le formateur doit être disponible pour répondre aux emails, il peut définir une plage horaire précise de réponse en informant ses étudiants. Le principal est de ne pas laisser leurs questions sans réponse.
Les étudiants, sont extrêmement pointilleux sur les retours du professeur. A distance, ils attendent un feedback très rapide, régulier et surtout sur-mesure. Dans cette même université canadienne, les étudiants mentionnent que la perception d’une réponse identique à tous, de type « copier-coller », à leur demande individuelle, les insatisfait grandement. Les réponses doivent être davantage personnalisées.
Nombreux sont les étudiants à relever ce manque de chaleur humaine. En effet, dans leur parcours, ils s’attendent à tisser des liens forts avec les professeurs. Les feedbacks se faisant majoritairement par courriel ou sur un forum, donc à l’écrit, sont perçus comme trop « froids » par les étudiants. Ils ont souvent l’impression que l’enseignant est réticent à développer des relations qui dépassent le strict contexte professionnel.
Parfois, un simple smiley sympathique peut atténuer bien des maux. L’enseignant doit aussi penser à se présenter, expliquer son parcours de manière à s’humaniser davantage.
Les étudiants trouvent souvent qu’il est plus difficile de nuancer ses propos à l’écrit. Ainsi certaines demandes de soutien ont été mises de côté pour passer davantage de temps à la réalisation des travaux ; les étudiants estiment qu’ils auraient besoin d’une aide facile d’usage et spontanée pour faire appel au professeur. Sans cela, certains peuvent parfois avoir la sensation d’être mis de côté, seuls face à leurs difficultés.
Outre les emails, les professeurs peuvent proposer un chat, bien moins formel pour les questions simples. Pour des problèmes plus complexes, il est intéressant d’inciter les apprenants à faire appel à leurs pairs. A distance, l’esprit de solidarité peut être décuplé.
Les étudiants s’attendent beaucoup à des mises en situation pratico-pratiques afin d’appliquer les compétences acquises à l’issue de leur parcours de formation à distance. Ceci est vrai également pour le présentiel. Ils s’attendent à ce que l’enseignant, tout au long de leur parcours, applique la mise en oeuvre quasi systématique des nouvelles compétences acquises. Lorsqu’un étudiant est livré à lui même, il est plus difficile d’élargir les champs d’applications. Marcel Lebrun insiste : « Si l’on veut évaluer l’impact des technologies, il faut arrêter d’évaluer les savoirs des étudiants mais voir les compétences, les aptitudes qu’ils acquièrent. Et donc faire des dispositifs d’apprentissage vraiment nouveaux, avec des travaux de groupe… »
Les étudiants ont besoin de discuter avec leurs pairs afin d’avoir des encouragements et sur le plan cognitif, pour recevoir leurs commentaires sur leurs travaux ou pour échanger sur les aspects théoriques. L’isolement est le point noir de l’enseignement à distance. Or, plusieurs établissements se sont aperçus que les forums n’étaient pas utilisés.
Comme nous l’avons souligné plus haut, il est compliqué pour les étudiants d’exprimer leurs besoins à l’écrit, de façon explicite et en représentant parfaitement leur idée. Néanmoins, la communication est une des clés de l’enseignement à distance.
Les étudiants d’Audencia, selon C. Naschberger, vacillent entre engouement pour l’enseignement digital et les bienfaits du présentiel. Même s’il est indéniable que le fait de rester à la maison tout en apprenant est confortable, il n’en reste pas moins la problématique des tentations (nombreuses) de son chez-soi. Le présentiel imposant un environnement neutre ainsi que des règles, le distanciel nécessite une auto-discipline stricte devant laquelle les étudiants ne sont pas tous égaux.
De l’étude de cas canadienne « Le tutorat à distance : qu’en pensent les étudiants, les tuteurs et les concepteurs ? » d’André-Jacques Deschênes — Pierre Gagné — Hélène Bilodeau — Suzanne Dallaire — François Pettigrew — Maude Beauchesne-Rondeau — Caroline Côté — Martin Maltais — Louise Sylvain — Jacinthe Thériault-Fortier,
Des propos de Marcel Lebrun, enseignant de l’université catholique de Louvain et de Christine Naschberger, enseignant dans le département management d’Audencia
De l’article de Pierre Cocheteux « E Learning, pourquoi 95% des personnes échouent? »