Cette année, les établissements d’enseignement supérieurs sont confrontés à de nouveaux challenges. Les mesures n’ont pas toujours été évidentes à mettre en place, surtout dans l’urgence. Le premier confinement, leur a permis d’expérimenter diverses modalités d’apprentissage. Pour assurer une continuité d’enseignement et de transmission du savoir, beaucoup mettent en place des système de visioconférences ou de cours retransmis en vidéo, de manière synchrone ou asynchrone. Certains optent également pour le mode hybride, avec une partie des étudiants à distance et l’autre en présentiel. C’est le cas de l’ESAM (L’Ecole Supérieure des Arts et Métiers) d’Aix-en-Provence. Mais très vite, le gouvernement leur a imposé une fermeture complète de l’établissement. Obligeant alors certains professeurs à revoir totalement leur manière d’enseigner.
Dans une précédente vidéo, nous récoltions le point de vue des étudiants face à la situation. Aujourd’hui, on s’intéresse aux enseignants. Que pensent-ils des cours à distance ? Comment se déroulent les cours ? Que reste-t-il de l’interaction ? Comment adapter sa pédagogie à de tels changements ?
Pour le savoir, Marc Desvignes et Lorène Heraud, tout deux enseignants à l’école supérieure des Arts et Métiers (ENSAM) ont accepté de répondre à nos questions.
En septembre, les cours étaient autorisés en présentiel en respectant un quota de 50/50. Le lien était ainsi maintenu, du moins avec les élèves présents. Les cours magistraux étaient pour la plupart faits à distance (via Teams). Les travaux pratiques en petit groupe en présentiel. Aujourd’hui, confinement oblige, tout se fait à distance.
Marc Desvignes dispense parfois ses cours depuis l’école, filmé par une caméra Kast installée de manière peu conventionnelle sur une chaise et une poubelle ! (Nos caméras sont fournies avec un trépied en version mobile). Il a besoin de certains logiciels disponibles seulement à l’école, que les étudiants ne peuvent pas utiliser depuis chez eux. Marc se filme donc lui, ainsi que le tableau, partage quelques fichiers via le chat et répond aux questions en direct.
Lorène Héraud dispense tous ses cours depuis chez elle, où elle se sent parfois bien seule face à 70 écrans noirs… Elle regrette le temps des cours magistraux en présentiel ou du moins en hybride. Les travaux pratiques se passent relativement bien, malgré le manque de retours et de réactivité des étudiants. En séparant les classes en sous groupe, les étudiants peuvent travailler entre eux sur Teams et le professeur intervient pour répondre aux questions. Lorène note tout de même une réelle plus value du numérique pour les projets. En effet, ces derniers sont réalisés en petits groupes de 4, sur plusieurs mois. Les échanges sont très fluides grâce aux chat ou aux emails, le suivi peut alors se faire régulièrement.
Nos deux enseignants interrogés sont partisans des cours en mode synchrones.
Les cours vidéo en asynchrones sont, d’après Marc, inefficaces. Les étudiants ont besoin de plus de suivi. L’enseignant est là pour les accompagner mais également pour les pousser un peu. Ils n’ont pas tous la volonté d’apprendre, le professeur adapte son cours en fonction du contexte, des questions et des réactions des étudiants présents.
Une vidéo pré-enregistrée puis diffusée de manière asynchrone n’est donc pas adaptée. Cela peut être utilisé comme support, pour une notion particulière, de 5 minutes maximum. En revanche, il note une petite exception pour les formations professionnelles où tous les auditeurs savent pourquoi ils sont là, et où l’asynchrone peut s’avérer utile et efficace.
Seuls devant leur ordinateur, les enseignants déplorent de ne pas pouvoir voir les réactions des étudiants. Il est difficile de faire un cours devant 70 personnes qui ne mettent ni micro ni caméra. Le mode hybride apparaît alors comme bien plus intéressant : Une partie des étudiants est dans la salle, l’autre, assiste au cours à distance et en direct. Pour Lorène, c’est la meilleure option dans le contexte actuel. En effet, elle peut observer les étudiants présents pour savoir si toutes les notions ont bien été acquises.
L’interaction est difficile, elle peut se faire via le chat, très pratique pour certains, trop désordonné pour d’autres. Les étudiants sont timides et n’osent parfois pas poser leurs questions. Certains professeurs ont également du mal à répondre sur le chat car cela casse la dynamique de leur cours, et prend beaucoup de temps.
Pour dynamiser les cours, des solutions telles que Wooclap ont été mises en place. Cela permet aux étudiants de participer de manière quasi anonyme. Ça les réveille et permet de faire des pauses, car il n’est pas évident de suivre un cours de plusieurs heures devant un ordinateur.
Lors du premier confinement, les écoles ont eu beaucoup de mal à organiser à distance leurs examens. Plusieurs problèmes : Comment donner les mêmes chances à tous de réussir ? Éviter la triche ? Quel logiciel utiliser ? Un vrai casse tête pour les établissements, peu préparés à la situation. Pour Marc, ses examens de type “projet” se sont finalement très bien passés et étaient les mieux adaptés à la situation.
Aujourd’hui, les écoles sont autorisées à organiser les examens en présentiel. L’ESAM n’a pas souhaité prendre de risque durant le confinement. Tous les examens ont été reportés au mois de décembre, avec l’espoir de pouvoir les faire en présentiel.
Pour Marc, le métier d’enseignant est similaire au métier d’acteur (Et encore plus devant une caméra…). Avec une trentaine d’années d’expérience, il a eu le temps de tout essayer, et a vu de nombreuses évolutions techniques. Mais les outils restent des outils et ne remplacent pas le côté humain de l’enseignant. Pédagogiquement, rien ne vaut un cours en présentiel, devant un tableau. La réaction des étudiants est chose essentielle pour adapter sa pédagogie. Les supports powerpoint servent de support et ne doivent pas contenir tout le cours.
Lorène est plus modérée. Pour elle, les projets se déroulent de manière très efficace, le numérique apportant une réelle valeur ajoutée. Elle reste en revanche peu convaincue par les cours magistraux à distance. Le manque de visibilité l’empêche de bien réaliser son cours.
Revoir l’interview dans son intégralité :