Carine Jallamion est professeur d’histoire du droit et Vice-doyen en charge du numérique à la faculté de droit de l’université de Montpellier. Ses fonctions ont changé de nature lorsque le premier confinement a été annoncé en France. Chargée auparavant de réfléchir à de nouvelles manières d’enseigner, sa tâche est devenue bien plus chronophage… Elle a accepté de répondre à nos questions.
Résumé de l’interview :
Lors de la première vague de la Covid 19, les cours étaient presque tous terminés à la faculté de droit de Montpellier. La véritable urgence fut la mise en place des examens à distance jusqu’en Juillet. Avec environ 6000 étudiants à gérer, ce n’était évidemment pas chose simple.
Pour la seconde vague, plusieurs plans ont été mis en place durant l’été. Le premier pour accueillir tout le monde en présentiel. Le second pour un mode hybride avec réduction des effectifs dans les classes. Et enfin un dernier avec tout à distance. Finalement, les 3 plans ont pu être testés, avec une semaine en présentiel à la rentrée, puis les quotas à 50/50, pour aujourd’hui être à 100% en distanciel.
La faculté a commencé par appliquer un protocole sanitaire strict, dans le but de pouvoir accueillir tous ses étudiants. Elle a donc mis en place une nouvelle organisation. Les emplois du temps n’ont pas spécialement été modifiés. En revanche, le temps passé à la faculté a fortement diminué au fur et à mesure. Création de petits groupes, et alternance entre présentiel et distanciel selon les semaines. Enfin, de nombreux outils numériques ont été déployés dans le but de pouvoir enseigner de manière hybride mais aussi pouvoir facilement basculer au tout distanciel. Ces nouveaux outils ont permis d’atteindre d’autres étudiants, qui avant la crise ne pouvaient pas venir et pour qui, rien n’avait été mis en place pour les cours magistraux (étudiants salariés par exemple).
L’objectif premier à la faculté de Montpellier était de pouvoir accueillir les étudiants en présentiel. La vie étudiante est faite de rencontres et d’événements sociaux, certains se retrouvent isolés, et parfois dans de mauvaises conditions. “Nous avons renoncé au présentiel que lorsqu’on y a été obligé.”
Tous les amphithéâtres de la faculté ont été équipés de caméras Kast, les cours sont ainsi diffusés exclusivement en direct sur une plateforme en ligne. Les lives sont accessibles à tous les étudiants grâce à un identifiant. Le contenu a pu rester le même, et cela change peu pour les enseignants qui n’ont rien à faire de plus. La caméra filme l’enseignant, le tableau, et une présentation power point est ajoutée à la vidéo si besoin. Quant aux étudiants, ils peuvent suivre le cours d’où ils le souhaitent et sont quasiment comme en amphi.
Amphithéatre vide, équipé de caméra Kast – Faculté de droit de Montpellier
Pour les travaux dirigés, qui se font en plus petits groupes, des systèmes de visioconférences sont utilisés, tels que Teams et Zoom auxquels l’université s’est abonnée.
Aujourd’hui, tous les étudiants sont à distance, les enseignants sont libres de décider s’ils préfèrent dispenser leurs cours depuis chez eux en visioconférence ou à la faculté.
Beaucoup choisissent de les dispenser à la faculté, face caméra, et en direct sur la plateforme, du fait de la facilité de réalisation. D’autres, peu adepte de l’amphi vide, décident d’utiliser la visioconférence, mais ont alors besoin d’adapter leurs contenus.
La diversité des moyens permet aux enseignants de décider ce qui leur convient le mieux, et la possibilité de garder les mêmes formats qu’auparavant.
La digitalisation a été forcée et faite dans un contexte plutôt triste. Beaucoup de professeurs aspirent au retour du présentiel. Malgré tout, tout ce qui a été mis en place jusque-là a été conçu de manière pérenne.
Cette digitalisation forcée va permettre à de nombreux étudiants dits « empêchés », de suivre leurs cours magistraux. Les salariés, sportifs, ou même ceux trouvant plus confortable de suivre un cours depuis chez eux auront à l’avenir le choix, les cours n’étant jamais obligatoires à la faculté. Une meilleure adaptabilité face aux divers publics est désormais possible.
Une autre avancée a été constatée au niveau des évaluations. Pour les étudiants les plus avancés, collaborer, et pouvoir accéder à tout document en ligne, sont des conditions d’évaluation bien plus proches de la vie professionnelle. Les évaluations classiques, où les étudiants passent des heures seuls devant une feuille ont montré un peu leurs limites.
L’hybridation de l’enseignement est une contrainte aujourd’hui, mais elle devient un outil vraiment utile pour certains publics. La complémentarité est importante. Les universités ont eu l’occasion de tout tester, et sont aujourd’hui prêtes à tout ! La continuité de l’enseignement et du service public a été respectée. Ce n’était pas parfait, mais elles ont pu continuer à atteindre le plus grand nombre malgré tout.
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